Camille Virot aux Célestins, à Avignon

Camille Virot aux Célestins

Avignon– 24e Parcours de l’Art – Église du Couvent des Célestins – OCTOBRE 2018

Installation: 15 têtes et 50 états transitoires

 

Je me trouvais par hasard en Avignon ce dernier dimanche de septembre lorsque je reçus sur mon smartphone la newsletter de la Galerie de l’Ancienne Poste annonçant le vernissage d’une installation de Camille Virot aux Célestins dans l’heure qui suivait. Je m’y rendais. 

Camille Virot aux Célestins
Camille Virot aux Célestins

L’église du couvent des Célestins n’est pas un lieu neutre pour une exposition. C’est une église désaffectée, un immense bâtiment gothique, saccagé à la Révolution après avoir abrité de saintes reliques, d’où le nom de la place sur lequel il donne : place des Corps-Saints. Le festival d’Avignon y investit tous les ans le cloître. Les expositions ont lieu sous les hautes voûtes de la nef, lieu « à la fois ruine et jamais achevé ». L’installation de Camille Virot est dans une chapelle latérale, éclairée par trois grandes fenêtres, au sol gravillonné et rougeâtre. 

L'événement auquel participe Camille Virot n’est pas une exposition de céramiques. Il s’inscrit dans le cadre du 24ème Parcours de l’Art, un festival d’art contemporain où les artistes exposent dans les lieux du patrimoine historique d’Avignon. Les organisateurs veulent ce Parcours, cette année : « dialogue d’œuvres au présent et rencontre d’artistes en action ». Aux Célestins, des installations de vidéastes, de plasticiens, de photographes, de performeurs côtoient celle de notre céramiste. 

L’œuvre de Camille Virot s’intitule « 15 têtes et 50 états transitoires ». Au sol, ou sur des carreaux, rouges ou blancs, en une double rangée rectiligne, sur une diagonale de la chapelle dirigée vers la lumière des ouvertures, sont posés 65 objets céramiques, la plupart identifiables à des têtes humaines, de taille réelle, mais simplifiées, stylisées, comme des masques africains. Un père disait d’ailleurs à son jeune fils : « viens voir les masques ». Le visiteur longe ces visages qui le regardent de leurs yeux absents. Arrivé sous les fenêtres il revient et longe l’autre rangée. Les têtes sont orientées vers les yeux qui regardent. Elles sont toutes très différentes, et toutes semblables. Certaines globuleuses, certaines aplaties. Variations groupées. Ce qui les différencient le plus, ce sont les matières, les terres, les émaux. Aspects terreux, calcinés, bleus vitreux, noirs d’obsidienne, émail laiteux. Ces variations de formes et de matières s’amplifient lorsque l’on passe des têtes - ce sont celles posées sur des socles - aux états transitoires - celles posées à terre - puis aux fragments informes, aux tessons, aux petits tas de terre. Et si l’on ne peut s’empêcher de penser, comme le confirme l’artiste dans sa note d’intention, à la charge rituelle des masques africains, on ne peut non plus éloigner le frisson du parallèle avec les têtes coupées, de l’histoire ancienne, révolutionnaire ou contemporaine. Leur position au sol, et peut-être même la couleur rouge de terre battue, suggèrent aussi l’apparition de ces crânes lors de fouilles archéologiques, certains fragmentés, d’autres déjà en poussière ; inverse du processus créateur qui veut peut-être se donner à voir, et qui va de la terre à l’œuvre.

Ce n’est pas la première fois que Camille Virot fait et expose des Têtes. C’est un thème récurrent. Mais c’est l’installation dans ce lieu, au delà de l’effet d’accumulation et de variations, qui donne sa puissance à cette œuvre. 

Lors de l’assemblée générale des Céramophiles, notre président, Bernard Bachelier, avait suggéré d’être attentifs à  quelques tendances de la céramique actuelle. Je crois me souvenir des qualificatifs « minimaliste » et « sérielle ». Ici le minimalisme des formes n’enlève rien à leur immense expressivité. Ici la série est riche de toutes les variations que permettent le matériau et le procédé de cuisson. Quand à - tendance indiscutable - la reconnaissance des céramistes comme artistes contemporains, nous y sommes. 

Ici et maintenant, aux Célestins, en Avignon, jusqu’au 21 octobre. 

Camille Virot aux Célestins à Avignon
Camille Virot aux Célestins
Camille Virot à Avignon gros plan
Gros plan 1
Camille Virot à Avignon gros plan 2
Gros plan 2

Annexe :

Note d’intention de Camille Virot
Source : Dossier du Parcours de l’Art 2018


Morceaux choisis d'atelier.

« Le vide est plein. La tête est pleine de vide. Mais pour moi ces têtes sont avant tout des mottes de terre, des blocs de sédiments, des volumes de matière qui parlent sans bouche, voient en dedans sans yeux, qui par leur masse et leur étrangeté me font penser aux boli bambara... je renoue avec l’étrange, l’exotique, le décalé. 

“Il n’y a rien dans les choses, mais toutes les choses ne sont pas sans contenu.” (chant du culte Jo)

Je suis céramiste, j’ai donc en premier lieu la nature comme modèle, à qui j’emprunte non seulement la matière, minéral dur ou plastique, friable ou vitreux, mais aussi tous les réflexes, les procédés mécaniques et les rituels — la sédimentation, le recyclage, les soubresauts, les effusions... Cela traduit en actes, répétés et obstinés, au service de désirs et de projets plastiques aléatoires. »

Ce qui caractérise mon travail : « Faire » avec de la terre.

Comment je travaille ?

Une rencontre, une image, un souvenir, un objet. Le processus céramique courant : donner forme sans principe + soumettre à la force du feu non seulement pour durcir mais aussi pour altérer.

Quels sont les outils, matériaux et techniques que je préfère ?

Médium : tout ce qui est du domaine minéral, dont l'argile. Outils : moulage, coulage, tournage, coffrage, altérations, meulage, ponçage, pinceau, louches...

Dans quel lieu je travaille ?

Un espace ouvert sur la nature. Le choix architectural de la boîte-atelier est très important.

Quels sont les artistes qui m’inspirent ?

La nature et les arts premiers.

Remerciements :

Camille Virot
Galerie de l’Ancienne Poste
Parcours de l’Art - Festival d’Art contemporain - Avignon
Les Céramophiles - Club des collectionneurs de céramique
Alain Cervantes,

Camille Virot est un artiste permanent de la Galerie de l'Ancienne Poste

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