en souvenir de Thierry Perraud

En souvenir de Thierry Perraud

Il y a déjà un an que Thierry PERRAUD nous a quittés, le 12 mars 2017, à seulement cinquante cinq ans,à la suite de problèmes personnels qui l’avaient durement affecté.

Potier dans l'âme, élève de J. LACHIEZE REY à laquelle il vouait une grande dévotion et de Daniel de MONTMOLLIN qui l'avait accueilli en stage,il avait réussi à hausser toute une part de sa Production, délibérément utilitaire, à un grand niveau artistique. Il avait mis au point une formule d'émaux sur grès ]à forte teneur feldspathique qui présentait une profonde luminosité et une onctuosité tactile très attirantes. A la manière de certains maîtres japonais, il jouait à merveille des larges plages de couleurs, noires, ocres, grises et blanches qu' il savait en tirer, en les animant d'une ample calligraphie pleine de fougue qu'll avait puisée auprès d'une amie, elle-même élève d'un maitre de cet art . C'est là ce qu'il appelait sa ligne "écaille" à " l'effet doré et cristallisé ". Un noir brillant d'obsidienne y faisait merveilleusement chanter des ocres d'ambre plus mats et des blancs de nacre somptueux, unis ou largement craquelés.

]Dans ce registre particulier dans lequel il excellait et malgré un premier aspect apparemment répétitif, ses vastes coupes et même ses coupelles plus réduites et jusqu'à ses simples bols, ses larges plats carrés plus encore, semblables à de véritables muraux, offraient un festival de graphismes et de lumières, d'éclats très fortement contrastés, dont, l'eût-on voulu, on n'arrivait pas à se déprendre. On subissait là, devant ces pièces, surtout présentées en grand nombre,comme je me souviens l'avoir ressenti sous le grand soleil d'un marché de potiers à Giroussens, l'effet d'un véritable "charme", au sens le plus fort du terme, magistral, presque envoûtant !

Habité par une très forte ambition artistique qu'il dissimulait ordinairement à son public d'amateurs derrière l'affichage d'un rigoureux attachement aux valeurs de l'artisanat (dont il ne voulait cependant pas se déprendre totalement : j'eus avec lui sur ce point l'ombre d'un différend ! ), il était d'une extrême exigence vis à vis de lui-même et souffrait très certainement de ne pas voir son talent suffisamment reconnu. Pour pouvoir vivre il mêlait donc, dans les marchés qu'il fréquentait, des pièces utilitaires plus faciles, aux rouges, aux roses, aux bleus et aux beiges moins violents ,à ses plus beaux chefs d'œuvre. Et sans doute les unes nuisaient-elles un peu aux autres dans l'esprit des visiteurs trop pressés.

C'est là le drame actuel des meilleurs artistes de la grande tradition, coincés entre la survie d'une routine qui ne cesse de s'appauvrir mais qui conserve un public séduit par ses complaisances et les audaces souvent bien superficielles des courants novateurs à la mode. Plein d'un sûr mépris pour les uns, il se montrait très réservé à l'égard des autres.

Ces derniers temps, il s'orientait néanmoins vers une approche plus sculpturale de la forme avec de belles boites "demoiselles" inspirées des "cheminées des fées " de sa région ou encore de puissants vases "Fuji" aux flancs âprement labourés.  

   Hélas! les beaux succès qu'il venait d'obtenir au Lavoir de Clamart ainsi qu'à la 5° Biennale internationale de céramique de Sèvres n'ont pas eu raison de l'état dépressif qui ne cessait de le miner . Le soutien indéfectible de quelques amis n'y pût rien. C'est un affreux regret!  Il ne nous reste que le souvenir des éblouissements que nous procurait chacune de ses manifestations et la contemplation, solaire, de ses plus belles réalisations.

Jean-Francois JUILLIARD

Sur Google, son site toujours actif, présente un bon aperçu de son travail.
Voir également : J.F.JUILLIARD, Le printemps de Giroussens, Revue de la Ceramique et du Verre, n° 161, juillet-août 2008, p.61-62;

Marchés potiers, Bandol et Bonnieux, R.C.V. n°179, et

Thierry PERRAUD, maîtrise et humilité, R.C.V. n°207,mars-avril 2016, p.66.

 

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