La Céramique dans la presse

Beaux-Arts magazine couverture du n°448

 

Deux expositions, Les Flammes, l'Age de la céramique au musée d’Art moderne de Paris et Par le Feu la Couleur au musée des Beaux-Arts de Lyon et l'invitation " pages blanches à la créativité d'Hélène Delprat,Annette Messager et Ulla von Brandebourg" de la manufacture de Sèvres ont donné lieu à une couverture de presse massive qui profite à l'ensemble de la céramique.

Toutefois, ces événements sont de nature très différente. L'exposition Les Flammes du MAMP, fer de lance de cette dynamique, a suscité dans le monde des amateurs et des amis de la céramique, des avis très variés. Le miroir que renvoie la couverture médiatique permet-il de se faire une idée de ce que le public perçoit de la céramique ? C'est l'exercice esquissé ici.

La revue de presse, certes incomplète, jointe ci-dessous donne une idée des tendances.

 

 

 

 

 

 

Quelques remarques

  • C'est l'exposition du MAMP qui est à l'origine de l'essentiel des articles et des commentaires. Ceci correspond à son ambition panoramique, au fait qu'elle se tienne dans un grand musée parisien et à un service de presse efficace.

 

  • L'ensemble de la céramique profite de cette couverture, le musée de Lyon et la manufacture de Sèvres. Très peu de galeries bénéficient de cette visibilité, à l'exception de la galerie de l'Ancienne Poste, il est vrai très présente dans les annonces publicitaires des revues spécialisées et la Galerie Italienne. Clara Scremini, est citée par Le Monde. Les galeries d'art contemporain apparaissent à  travers les artistes qu'ils représentent, Claudine Papillon pour Elsa Sahal, Laurent Godin pour Sylvie Auvray. Ni la galerie Capazza ni la galerie du Don ne sont pas citées. Les centres céramiques acteurs essentiels du monde céramique ne sont même pas mentionnés. On peut supposer que les journalistes ignorent même leur existence. Il est vrai qu'ils sont associatifs et qu'ils ne sont pas à Paris !

 

  • D’une manière générale, les articles reprennent les éléments de langage du dossier de presse. On peut dire que les orientations d’Anne Dressen sont bien passées "Anticipatrice, non conformiste,insoumise et qui fait éclater le carcan imposé par le beau universel" (Beaux-Arts magazine n°448, le beau universel n'avait pas attendu la céramique !). La céramique est un contrepouvoir (Anne Dressen à Arte). la céramique est le nouveau médium, c’est le retour à l’objet , la céramique fait éclater les frontières, elle permet l’extravagance , la céramique est politique et féministe.

 

  • Les orientations philosophiques et idéologiques qui sous-tendent l'exposition rencontrent un écho dans les idées dominantes actuelles. Toutefois, il y a, ici, une grande ambiguité. L'exposition décline ces orientations en refusant toute hiérarchie entre les différentes façons d'utiliser le médium alors que ce sont les questionnements des artistes contemporains qui expliquent l'écho philosophique et idéologique. Cette question mérite d'être approfondie. Il serait intéressant de comparer Les Flammes avec l'exposition de Theaster Gates à la Whitechappel de Londres. Il y a certaines références communes. En quoi les résultats différent-ils ?

 

  • Mais, hélas, on soupçonne que si les éléments de langage sont si bien passés c'est que la plupart des auteurs des articles ne connaissent pas la céramique, n'ont pas travaillé le dossier, recoupé leurs sources et n'ont pas fait d’effort d’analyse des expositions. C'est d'autant plus criant que les expositions de Paris et de Lyon n'ont ni la même origine, ni le même contenu, ni la même finalité. Ces différences ne sont pas relevées. Pourtant l'analyse comparée est un exercice utile de compréhension. Facilité, Paresse ? C'est toute la céramique française qui souffre  de ce déficit.

 

  • Seuls Art press qui, grâce au numéro spécial de 2013, s’est forgé une grille de lecture, et la Revue de la Céramique et du Verre dont c’est la spécialité, formulent des critiques. Relevons l’article du Monde de Roxana Azimi, bien documenté, sur le marché de la céramique contemporaine et l'article du n°749 de l'Oeil de Anne-Charlotte Michaud. La Revue de la Céramique et du Verre est la seule à avoir consacré un reportage complet à l'exposition de Lyon dans le n°237 de mars avril 2021. Elle a sollicité trois billets d'humeur sur Les Flammmes dans le numéro de janvier. Elle est ainsi la seule à ouvrir un débat dont on espère qu'il aura des suites.

 

  • Il faut ici citer l'éditorial de Richard Leydier dans Artpress n°495 de janvier 2022 :«  On observait déjà  qu'au cours des vingt dernières années, le jugement de valeur était pratiquement obsolète. A présent, tout se vaut dans un sentiment de grande hébétude. Dans l'exposition les Flammes consacrée à la céramique au Musée d'art moderne de Paris, la table de l'atelier des visiteurs est plantée au milieu de l'exposition. Il n'y a donc plus de différence entre les pratiques amateurs et ce que font les artistes. Plus loin, une passoire est mise sur un plan d'égalité avec un Fontana. A ce compte, pourquoi garder encore des musées ouverts ? L'exigence démocratique fait faire n'importe quoi alors qu'elle devrait contribuer à éduquer le regard, apprendre à discerner la qualité. Quand on n'établit plus de hiérarchies, il n'y a plus d'art. ». Cette remarque formule un constat largement partagé.

 

  • Une remarque concernant les illustrations. Tous les articles recourent aux mêmes illustrations. Ce ne sont pas les revues qu'ils faut incriminer mais les musées. En ne mettant à disposition qu'un nombre limité de visuels, ils appauvrissent eux mêmes l'image qu'ils donnent de leur sélection. C'est dommage. On n'en peut plus du bol de Takuro Kuwata et de celui de Jean Girel, même si ce dernier est remarquable de technique et de finition (pour le coup on est en plein dans le beau universel !)

 

  • Une grande lacune portent sur l'absence de commentaires du deuxième volet du titre de l'exposition Les Flamme, L'Age de la céramique. Pourquoi l'Age de la céramique ? La céramique est universelle et intemporelle et elle accompagne l'humanité et la civilisation. Ce qui est spécifique à notre époque, c'est que les artistes s’intéressent à la céramique, y trouvent une façon de traduire leurs idées, leur sensibilité qu'ils ne trouvent pas dans les autres médiums. C'est pourquoi, il n'y a pas d'Age de la céramique sans les artistes et c'est pourquoi  c'est cette histoire qu'il faut raconter. Il ne s'agit pas de reconstituer les catégories et les classifications mais de rechercher les spécificités de l'acte créatif.

 

  • Les grands céramistes français sont à Lyon. Ils ne sont pas à Paris. Qui souligne cette criante absence et qui met en exergue la qualité de l'expo de Lyon de ce point de vue ? J'ai exprimé cet aspect dans mon article de la RCV. Hors des bols de Jean Girel et d'Alain Vernis, Claude Champy n’est représenté que par une théière et Camille Virot par un bol génèse. Où  sont  les artistes majeurs d’un âge d’or de la céramique française, qu’ils ont sortie de sa gangue tout en restant potiers Bernard Dejonghe, Jean-François Fouilhoux, Daniel Pontoreau, Agathe Larpent, Philippe Godderidge ?

 

  • Conclusion (provisoire) Les expositions céramiques ont donné lieu à une couverture de presse massive. C'est un acquis sur lequel il faut capitaliser. Il faut remercier ceux qui y ont contribué. Les reportages traduisent une grande méconnaissance. Chacun à notre place, efforçons nous de contribuer à la combler. Les Flammes ont parlé du caractère multiforme de la céramique mais elles ont oublié beaucoup de formes et surtout beaucoup d'acteurs. En revanche, les fondements de cette exposition rencontrent un écho dans le mouvement des idées. Réfléchissons à ces idées. Ne leur tournons pas le dos.

Bernard Bachelier le 11 janvier 2022

 

Retour

Ajouter un commentaire

Commentaire de de L'Epine Arnauld | 28.01.2022

Ces échanges de vue sont enrichissants et ils nous montrent la diversité des points de vue tant sur l'exposition "Flammes" que sur la façon d'aborder le "faire" céramique.
J'avais abordé notre positionnement dans un échange avec Bernard, lequel est toujours présent sur le site, et c'est à partir de là que j'aborde notre déception vis à vis de la dite exposition :
- l'objectif n'est pas de mettre en valeur les artistes présentés , mais de tenir un propos tirant la céramique vers l'utilitaire, le vernaculaire, le décoratif, voire les questions de "genre"
- l'espace unique à Paris qu'est l'ARC nécessitait des oeuvres ayant une dimension certaine , ce qui aurait pu être l'occasion de présenter non plus essentiellement des objets mais des oeuvres sculpturales . Je ne suis pas le seul à avoir insisté sur ce point, mais Anne Dressen et sa conseillère et scénariste Natsuko Uchino n'ont rien voulu entendre à cet égard.
- Dès lors leur propos n'était pas de faire une exposition nous donnant à voir l'évolution de l'expression céramique au travers les époques et encore moins pour ces dernières années ni de nous donner à voir ce que j'appelle "les phares" de cette dite évolution qu'ils soient utilisant en permanence ou non le médium terre
- Si l'on part du point de vue d'Yves Michaud "L'art c'est bien fini" -cf. le titre de son dernier livre - consistant à créer des "atmosphères" où le sensible , le singulier, devient quelque chose d'indifférent, et où l'essentiel n'est pas de nous faire découvrir des "phares" mais de tenter de nous imposer une lecture de notre époque , laquelle est au demeurant un tissu de répercussions de tendances et de modes à courte de vue, l'objectif est atteint .
- la prétention de vouloir imposer la céramique comme l'art d'aujourd'hui permettant de mieux faire dire les influences et engagements de l'époque semble quelque peu naïve , car tout artiste véritablement engagé utilise le ou les médium qui lui conviennent , qu'il soit la terre ou tout autre - cf. Rebeyrolle - .
- cette exposition reflète donc une tendance contemporaine : celle de la perte de sensibilité et d'exigence esthétique au profit de dispositifs imposant une lecture subjective de l'époque dans lesquels les oeuvres des artistes ne sont choisies qu'en terme de faire valoir.
- Si l'on souhaite faire parler des artistes céramiques de façon plus positive, il serait plus qu'utile qu'il se développe une pensée critique de l'expression céramique tant dans les revues que les journaux .Dès lors il faudra suivre les éventuels prolongements que laisse entendre sur ce point Leydier dans Art Press ou ailleurs pour éclairer ce que Ludovic Recchia appelle dans le catalogue "Par le feu la couleur" de l'exposition du MBA Lyon "L'identité nébuleuse de la céramique" .
- Je rejoins donc les critiques sévères de Carole Andréani et d'autres familiers de l'art et bien sûr celles de nombreux céramistes.

Commentaire de Bernard Bachelier | 21.01.2022

relançons un peu ce débat qui est en attente. Je connais le point de vue de Michel Meynet. Le beau n'est pas la question. Il y a longtemps que ce n'est plus la question. Chacun se fait plaisir, tant mieux et c'est sans doute ce qui donne un charme particulier au fait de collectionner la céramique tant le champ des possibles est vaste. Mais le propos de Michel Meynet me suscite une autre réaction. La théière de Champy et le bol de Virot sont de bons exemples. Certes, ils ont gardé la trace du contenant dont ils dérivent.Mais ce qui nous intéresse, ce n'est pas qu'ils soient une théière ou un bol, mais qu'ils soient une création de Claude Champy et de Camille Virot. Tout ce qui les distingue d'un objet utilitaire. Ils sont de magnifiques exemples de la transition entre la poterie et la sculpture dont Champy et Virot sont des maitres. La théière a plus à voir avec l'autre œuvre de Fontana exposée ( Coquillages) ou avec Voulkos qu'avec une théière.C'est la façon dont le geste transforme l'objet et en fait une œuvre unique. . Les bols genèse de Camille Virot sont une des grandes créations artistiques de la période. Ce n'est pas le retour à la terre comme la section où il est placé le laisse entendre, c'est l'incarnation d'une idée qu'il décline à l'infini comme Monet peignait des meules. Dans les deux cas, c'est le geste artistique qui nous fascine et dont nous n'aurons jamais de cesse de percer le mystère. C'est l'individualisation de la création. Comme je l'ai écrit, ils sont artistes tout en étant resté potiers. C'est ça qu'il aurait fallu montrer au public et c'est alors que l'on aurait eu du respect et de la considération pour le public.

Commentaire de Meynet | 12.01.2022

Merci Bernard et...merci monsieur Grosjean, nous avons hâte Denise et moi de faire votre connaissance !!! Nous aimons Carole Andréani et avons un vrai respect pour son immense culture et son œil comme on dit...mais nous ne lisons pas Artpress. Ceci mis à part, votre analyse cher monsieur Grosjean, nous convient parfaitement. Les hiérarchies, selon mon étymologie impertinente, ce sont les commandement d’hier...et sur ce point nous sommes formels, il y a du beau partout et pas seulement le grand beau décidé par des hiérarques. La référence au Mingei constitue pour nous un marqueur essentiel et l’utilitaire représente un champ d’acquisition de première importance, nous avons des centaines de bols...dont une bonne partie est absolument utilisable, horresco referens. Et nous avions même vers 1980 commencé une collection de théière, c’est tout dire! Et comme le savent les gens informés , c’est nous qui avons acheté et donné au MBALyon les quatre » utilitaires » prêtés et exposés à Paris, la super théière de Claude CHAMPY, le bol genèse de Camille Virot, le pichet d’Anne Kjaesgaard et enfin, un non totalement utilitaire d’Anne Verdier mais qui nous avait beaucoup plu. Pour en revenir aux plaques percées, il faut rendre grâce aux musées qui nous éduquent en présentant des cartels identifiant les œuvres , celle qui est toute grise avec des trous magnifiquement réalisés vient d’un remarquable musée que les génies de Paris ont mis en caisse pour aller à Marseille alors que l’autre, du grand art aussi bénéficie d’un traitement approprié, elle ne tire pas vers le haut la passoire grise qui s’en moque bien, elle est la , majestueuse, avec ses percements virils et artistiques... Fontana serait mort de rire en nous lisant....et trouverait probablement que la passoire est super belle elle aussi. Tout ceci ne veut évidemment pas dire que tout se vaut, il y a des œuvres que l’on préfère à d’autres évidemment mais ce n’est pas demain qu’on va nous dire ce qui est beau et ce qui est moche, et sur ce point nous ne pensons pas être isolés.Tout ça pour dire que nous avons aimé cette expo parisienne dont la scénographie nous a paru perfectible mais exposer de la céramique c’est toujours prendre des risques, nous en savons quelque chose !!! J’ai près de cinq cent œuvres dans vingt mètres carrés et par conséquent je connais bien les affres du scénographe, si Anne Dressen avait eu les moyens de peupler plus densément cet énorme espace de 1200m2, la plupart des critiques auraient été évitées, il y aurait eu des falaises de Champy, des têtes de Virot, brefs des vrais monuments de la céramique française....et tout le monde se serait gratté le crâne pour dire ce qui n’allait pas, trop d’etrangers peut-être, pas assez de Untel ou unetelle, que sait- je....encore merci Bernard pour ta patience et ton amour du débat.

Commentaire de Bernard Bachelier | 12.01.2022

Je réjouis de l'intérêt que rencontre cette revue de presse. Je me réjouis que le site soit un site de débats.
François Lerat, nous sommes d'accord sur l'histoire de la céramique française... Je n'oppose pas Paris et Lyon. Je me désole que les journalistes n'aient pas poussé l'analyse assez loin pour s'en rendre compte. Il ne suffit pas de mélanger des visuels dans un portfolio expliquer ce qui fait qu'il faut voir les deux expositions.
Pascal Grosjean, je me réjouis que vous ayez passé un bon moment. Vous n'êtes pas le seul. J'imagine que les Flammes attirent un nouveau public et que l'approche, comme je l'ai dit, rencontre un écho. C'est un acquis. Comme je le disais, je suis vraiment content du débat mais pour garder au débat son intérêt et au Club, son caractère amical, gardons nous d'attaquer les personnes ou de leur prêter des pensées malveillantes. Carole Andréani est une des spécialistes de la céramique contemporaine les plus compétentes de notre époque, à laquelle elle a consacré sa vie d'historienne, de critique et d'enseignante. Nous sommes fiers de la compter parmi nos membres. Elle exprime de bonne foi ce qu'elle a vu et ressenti. Elle a le recul pour mettre ces observations en perspective. Je partage son point de vue et suis entièrement solidaire. Son expérience lui donne la légitimité d'exprimer des aspects que nous n'avons pas forcément vus. Nous devons lui prêter attention.

Richard Leydier est historien d'art et commissaire d'exposition. Il est rédacteur en cher de Art press qui est la revue de référence de l'art contemporain. Artpress a consacré un numéro spécial à la céramique, en 2013 trois ans avant Ceramix, numéro qui reste une référence et qui a révélé le premier finalement le tournant que prenait la céramique contemporaine depuis une dizaine d'années.
Artpress et la RCV sont les seules revues à avoir dépassé le simple coompte rendu. La RCV a ouvert ses pages à trois points de vue indépendant exprimés en toute liberté. Il y a longtemps que l'on avait pas eu un tel moment. Saluons la RCV de cette démarche;

Il ne s'agit pas de reprocher aux Flammes ce qu'elle ne prétendait pas faire. Mais elle prétend présenter l'Age de la céramique. Belle ambition. Mais il n'y a pas d'age de la céramique aujourd’hui sans les artistes. Cette exposition n'aurait pas eu lieu si les artistes contemporains ne s'intéressaient pas à la céramique. Si on parle de la céramique, c'est en raison de l'intérêt que lui portent les artistes. Ce sont les artistes qui font l'age de la céramique; D'ailleurs, les Flammes présentent beaucoup d'artistes renommés et le musée communique sur ces noms célèbres.C'est là où il y a un profond malentendu et où le propos annoncé de l'expo n'est pas atteint. C'est là dessus que l'on attire le public mais on ne lui donne pas les clés de lecture pour en comprendre ce qui se passe réellement. C'est là où Richard Leydier a raison. Il n'y a pas d'art sans hiérarchie. L'art est une affaire de jugement. Ne pas donner les explications au public, c'est lui manquer de considération, de respect. En ce qui me concerne j'ajoute que le décloisonnement de la céramique ne peut viser que la révélation de ce qui est art en elle, art spécifique sans doute mais art au même titre que les autres domaines de l'art. Nous devons travailler sur ces critères de reconnaissance; L'exemple de Fontana peut nous donner des pistes. Il aurait encore beaucoup de points à développer

Commentaire de Pascal GROJEAN | 12.01.2022

Bonjour,
Je suis très surpris par la teneur des commentaires et des billets parus dans le numéro de Janvier de la RCV.
On passera très rapidement sur le billet de Mme ANDREANI, chef d'oeuvre de mauvaise foi confraternelle, et celui d'Andoche PRAUDEL, qui a vu une exposition dont le parti pris est (je le cite) "de ne pas parler technique" alors même que la première partie de l'exposition est consacrée aux différentes techniques de production de céramique, de façon assez iconoclaste (je parcours les expositions d'art moderne depuis 45 ans et je n'ai pas souvenir d'avoir vu une expo à POMPIDOU ou au MAMVP parlant de technique pictural de cette façon exhaustive). Etonnant...

Mais cher Bernard BACHELIER, comment reprocher à cette exposition de ne pas faire l'histoire de la céramique Française du XX et du XXI siècles ? Son objectif n'est nullement historique mais anthropologique, l'exposition veut illustrer à la fois la permanence et la créativité de la céramique à travers les âges, les peuples, les pays, les messages...La Céramique Universelle, et non pas réduite à une époque et un pays, quelque soit le jugement qu'on peut porter la production de cette époque et ce pays (après tout, on pourrait aussi demander une grande exposition sur la céramique Japonaise moderne et contemporaine, dont la haute qualité est si mal connue et représentée dans notre pays).
D'ailleurs, cette céramique française est représentée, et pas si mal, avec Jean GIREL, Emmanuel BOOS, Camille VIROT, Ursula MORLEY-PRICE, Alain VERNIS, Elisabeth JOULIA ou Francine DEL PIERRE. Leur légitimité n'est pas moindre que ceux que vous citez. Et Claude CHAMPY. Ah sa théière ! Est-elle représentative de l'oeuvre de CHAMPY ? Non sans doute. Est-elle représentative de la tension moderne entre tradition et modernité, poterie et sculpture, respect de la forme et créativité débridée ? Certainement oui et cela justifie sa présence, plutôt qu'une Falaise. Elle est représentée aussi par le film sur le séminaire de LA BORNE en 1977, très intéressant.
De plus, Anne DRESSEN, lors de la visite des Céramophiles, avait été claire sur le fait qu'elle avait dû faire des choix douloureux, alors même que l'exposition est déjà plantureuse.

Quand à l'éditorial de Mr LEYDIER, il est simplement consternant. Voilà bien un exemple de journaliste ne faisant pas son travail. Confronter une oeuvre d'artisanat et Lucio FONTANA ce n'est pas dévaloriser FONTANA, c'est attirer l'attention sur la qualité d'un artisanat sobre, modeste, anonyme - cad illustrer ce que prône les mouvements en faveur de l'artisanat contre l'uniformisation et la désincarnation de la production industrielle, comme le mouvement MINGEI, né au Japon dans les années 1920 et débarqué en Europe avec Bernard LEACH et Shoji HAMADA (représentés tous deux dans l'expo), et dont l'influence se fait encore sentir, en tout cas au Japon et en Grande-Bretagne.
C'est également s'interroger sur la possibilité d'un répertoire universel des formes. C'est enfin s'interroger, avec Marcel DUCHAMP et son urinoir (lui aussi présent, et revisité), sur ce qu'est une oeuvre d'art, et la possibilité qu'existe - ou pas - un "beau universel".
Quels contresens accumulés ! Et on passera sur la petite musique à la mode sur la nécessité d'éduquer le pauvre peuple ignorant en lui montrant la voie du beau (quel beau ? au nom de quel parti pris ? Mr LEYDIER est-il un expert reconnu ? Un praticien adoubé ? Un collectionneur chevronné ?).

On peut certainement reprocher à cette exposition ceci ou cela. Je ne suis pas très attiré par le "sloppy" par exemple mais au moins elle aura comblé une lacune de mon maigre savoir. Elle manque sans doute aussi de quelques explications, mais le catalogue complète très heureusement cette lacune.
Mais on ne peut pas lui reprocher de manquer des objectifs qui ne sont pas les siens. Et pour une fois qu'une exposition met en valeur la céramique dans tous ses états, ne soyons pas aussi critique s'il vous plait. Lâchons prise, abandonnons nous au plaisir de la découverte et de la diversité.

Commentaire de Denoit Nicole | 12.01.2022

Merci Bernard pour votre analyse critique à laquelle j’adhère sur bien des points. Sans argumenter comme vous avec sérieux, je dirai que nous avons été émerveillés par l’exposition de Lyon et avons ressenti ce que vous décrivez à propos du MAM.
Bonne année à tous et pour la Céramique !

Commentaire de chambost philippe | 12.01.2022

Merci Bernard pour cette aptitude à titiller nos consciences. Je viens d'écouter Anne Dressen à propos de cette exposition Les Flammes... et.... J'ai lu les quelques lignes du dossier presse. Le provincial que je suis, n'a pu voir, pour l'instant, ni l'expo de Lyon ni celle de Paris. Mon regard et mon esprit sont donc totalement "vierge" de cette actualité d'automne 2021.
Et pour autant, je mesure par ton analyse combien il est complexe d'aborder, et de scénographier la céramique, cette expression artistique dite "manifestation culturelle".
Je compte m'y rendre fin janvier et je me demande déjà ce que le public non averti va pouvoir retenir d'une exposition qui présente cette vaste pratique, mêlant l'histoire à la géographie, les siècles aux continents. Bien au-delà des thématiques technique-usages-messages, j'ai hâte de voir: espace, lumière, chronologie, scénographies....
J'ai bien aimé ce passage de Richard Leydier et je le rejoins: "...éduquer le regard, apprendre à discerner la qualité. Quand on n'établit plus de hiérarchies, il n'y a plus d'art.»
Et j'adhère également aux propos de Jean-François Lerat qui plaide pour une exposition didactique à l'échelle de notre pays et de son évolution. Un nouveau Georges Henri Rivière contemporain ne s'impose -t-il pas?... pour voir et comprendre.
La question qui semble se poser, à lire Vincent, Bernard, Jean-François et tous les autres...: ce prisme est-il le bon bout de la lorgnette?
Je suis ravi, grâce à vous tous, de pouvoir me questionner avant d'aborder cette exposition du MAM.
Il est dit que cet art peut s'avérer de matière rude ou au contraire très tactile... sensuelle donc. Les formes peuvent s'avérer très figuratives ou très abstraites, les oppositions peuvent être de faïence ou de grès, de pièces de série ou de pièces uniques, de textures naturelles ou émaillées... Sélectionner et scénographier est décidément un sacré dilemme.
J'attends donc de voir la part d'ombre -de pénombre?- de cette exposition, celle qui révèle les textures, la matière... qu'on aime à toucher. J'ai le sentiment, à travers les nombreuses images, que cette exposition est noyée... de lumière. Mais cette mise en lumière au MAD n'était-elle pas nécessaire? Car, après tout, après l'âge de pierre, l'âge du bronze, puis l'âge du fer et du mythe de l'âge d'or.... si le XXIème siècle commençant s'avère être l'âge de la céramique, n'est-ce pas une bonne nouvelle?
A bientôt

Commentaire de Vincent | 11.01.2022

Je rêve d'un "hors Série" dans lequel une collaboration avec un éditeur bienveillant et des connaisseurs éclairés permettrait de donner une vision plus exhaustive et diversifiée du monde de la Céramique à un large public actuellement insuffisamment éclairé. On pourrait imaginer cela couplé, grâce à un organisateur d'événement, à une vaste exposition conçue et programmée intelligemment de manière illustrer ces propos....
Bah, c'est le début de l'année, l'occasion rêvée des projets fous !
Bonne année à toutes et à tous,
Vincent

Commentaire de Jean François Juilliard | 11.01.2022

Ah ! Cher Bernard ! Quel beau commentaire , courageux et lucide ,qui remet bien les choses en place ....malgré les divergences que nous pouvons avoir sur la réalité ,la nature et l’importance du Beau universel ( moi, j’y mets une majuscule !) !
D’un côtè, il y a le tumulte de la vie , qui est une belle chose, mais où il y a le meilleur et le pire ,l’invention et la facilité ! C'est le poids de la société et de la mode ! De l’autre l’exigence intérieure de la perfection ! Les deux cohabitent et parfois se rencontrent ! De telles expositions devraient mieux le montrer !
Combien j’apprécie l’éditorial de Richard Leydier !
J.F.J.

Commentaire de Jean François Lerat | 11.01.2022

On pourrait penser que les céramistes qui ont sorti la céramique des traditions d'un enseignement obsolète ( il serait pus probablement plus juste de parler de la créativité française comme le font les japonais depuis la nuit des temps) après guerre en s'affrontant à l'abstraction s'appellent JJLerat,, Vassil Ivanoff,, Elisabeth Joulia, Yves et Monique Mohy. Ensuite il y a eu bien évidemment des évolutions. Ce serait bien d'avoir une véritable critique et une histoire de la céramique Française (Européenne) de la deuxième moitié du XXe siècle . En attendant ces débats franco-français me paraissent bien vains. C'est discutable d'opposer Lyon et Paris.
Amitiés

Écrivez votre message ici