Terra Incognita à Bourges, Nançay et La Borne

Terra Incognita est une exposition organisée par le Palais Jacques Coeur à Bourges,  galerie Capazza à Nançay et le Centre de Céramique Contemporaine de La Borne

Le Palais Jacques Coeur est un prestigieux monument de la Renaissance, géré par le Centre des Monuments Nationaux. Il offre à la céramique des espaces d’apparat exceptionnels qui confèrent aux œuvres un éclat sans égal et une dimension historique. 

Il faut saluer et remercier le CMN et la directrice du Palais Jacques Coeur Elisabeth Braoun, pour avoir ouvert les portes du monument à la céramique contemporaine. C'est une chance historique. Il faut rendre hommage à Laura Capazza, à Denis Durand et aux équipes du Centre de La Borne et notamment à sa vice présidente Dominique Coenen pour avoir conduit ce projet à terme.

L'année céramique est d'une grande richesse. Terra Incognita complète les expositions consacrées à la céramique contemporaine en 2022, à coté de Contre Nature au MO.CO. à Montpellier et  Toucher Terre à la Fondation Datris à l’Isle-sur-la-Sorge. Elle présente des artistes de la grande génération de la matière, étape essentielle de la mue de la création céramique vers la sculpture contemporaine. Les amateurs peuvent se faire une idée de l'importance de cette mutation.

A Bourges, IL faut visiter les trois lieux en faisant attention aux différentes  dates de fermeture, La Borne jusqu'au 30 août, Palais Jacques Coeur jusqu"au 18 septembre, galerie Capaza jusqu'au 22 septembre

La critique d'Olivier Cena

quelques commentaires

Olivier Cena, dans la revue Télérama, est un des critiques d'art les plus influents, avec Philippe Dagen dans le journal Le Monde. Le fait qu'il publie un article sur Terra Incognita marque le nouvel intérêt porté à la céramique et l'importance de cette exposition.

L'article est sous titré poterie. C'est en tant que poteries qu' Olivier Cena traite les œuvres de cette exposition. Il reconnait que "Potier est pourtant un joli mot, et l'activité qu'il suggère un métier passionnant et créatif" mais il ajoute "Au Palais Jacques Coeur ce ne sont que poteries décoratives....,(voir ci-dessus la phrase complète), avec une appréciation négative et auxquelles, il dénie la qualité de sculptures à l'exception de Sandra Zeenni qui s'inspire de Rodin (Bravo à elle). "Doit-on parler pour autant parler de sculpture ?" . Pour être des sculptures, les œuvres doivent se référer à l'histoire.... " Au fond, si l'on comprend bien Olivier Cena, la "poterie"ne pourrait qu'être utilitaire ou "selon le talent, plus ou moins décorative".

Toutefois la conclusion est plus ouverte comme si Olivier Cena se doutait qu'il n'a pas tout dit,  "les potiers préfèrent inventer et laisser aller leur imagination". Et si c'était justement ces inventions et cet imaginaire qui conféraient à ces œuvres et à leurs auteurs leur originalité ?

Il n'en demeure pas moins qu'Olivier Cena nous oblige à nous poser la question, qu'est ce qui fait la spécificité de la sculpture céramique ? Quelles sont les caractéristiques qui permettent de l'évaluer ? Le matériau interdit-il qu'on l'apprécie comme sculpture, ou sont-ce des aprioris théoriques ? Les œuvres exposées au Palais Jacques Coeur viennent, en effet, de la poterie au sens du critique d'art. Mais ce que plusieurs des artistes exposés ont voulu faire, ceux ne sont pas des pots. Ils ont accompli une mutation historique dégageant la céramique du pot et forgeant un nouveau vocabulaire formel de la matière. Cette invention est équivalente à celle de la peinture abstraite. C'est la raison pour laquelle je soutiens qu'il faut la nommer, céramique expressionniste abstraite. Elle n'est pas décorative, pas plus que la peinture de Pollock, Hartung ou Soulages. En terminant son article par l'invention et l'imaginaire, Olivier Cena nous tend une perche. Il faut la saisir.

Pour y réfléchir, il serait bon d'élargir le panorama et d'inclure les expositions de la Villa Datris et du MO.CO. A Montpellier, Vincent Honoré a abordé la question en traitant la céramique par le modelage et le performatif. Il a inclut  des artistes venant de la poterie et des artistes venant de la sculpture sans distinction ni hiérarchie. Pourquoi est-ce convaincant ? 

Bernard Bachelier

 

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Commentaire de Juilliard jean François | 11.08.2023

Passionnant débat , cher Bernard !
Olivier Cena doute qu’avec la céramique sculpturale actuelle on puisse encore parler d’un travail de sculpteur encore moins de potier traditionnel . Il y voit l'émergence d’un modelage spécifique de l’invention ou de l’imaginaire. Art de nouvelles formes ( ou déformations) , c’est à l’évidence ici la nouveauté de la forme, de sa stature et de son rapport à l’espace qui s’affirme comme le premier intérêt de l’artiste.,même s’il y ajoute certains emprunts de couleur ou de textures faits à la céramique des potiers . Donc accueillons cet art de formes nouvelles comme un aspect de notre époque et jugeons là en termes de sculpture.
Mais il ne s’agit plus du tout ici, en premier, de « l’Art du Feu » cher aux potiers « décoratifs » que furent Chaplet ou Decoeur, Delaherche ou Artigas, Ben Lisa ou Montmollin, dans la mesure où l’objet premier du sculpteur-céramiste n’est plus principalement la recherche d’une beauté particulière propre aux combinaisons de la matière (terre ,eau et oxydes) et du feu . Il n’y a donc pas là un grand « nouveau vocabulaire de la matière » ,rien qu’un nouveau vocabulaire de la forme .
Applaudir à l’essor de cette sculpture nouvelle, de ce nouveau mode d’expression, et la juger en tant que sculpture, soit! Mais la présenter comme une mutation heureuse de la poterie d’art, qui risque par la même de s’en trouver déconsidérée, c’est à mon sens le résultat d’une regrettable confusion. C’est confondre art de la forme et art du feu; sculpture, art intellectuel, art d’une certaine transcendance; art du feu, art de l’immanence de la nature avec la collaboration de l’homme.

Commentaire de Meynet michel | 09.08.2023

Les autorités artistiques supérieures des journaux du groupe Le Monde ont parfaitement le droit de parler poterie , c’est un comportement absolument rationnel car l’essentiel de leur fonds de commerce est de disserter sur l’art qui pour eux se concentre dans l’application de pigments plus ou moins colorés sur toile et par conséquent il serait suicidaire de leur part de reconnaître que de l’´art puisse se trouver ailleurs que dans la peinture. J’ajoute qu’ils ont parfaitement le droit de défendre cette théorie qui veut que le décoratif soit à l’art ce que la piquette est au vin à savoir une boisson rafraîchissante alors que le vin peut toucher au sublime ( avec les prix y afférent) . On peut reconnaître notre statut d'infériorité, il suffit de qualifier la bonne céramique, c’est à dire c’elle qui n’est pas utilitaire , d’une dénomination empruntée ( j’ose pas dire copiée) au vocabulaire scientifique de la peinture, et parler d’expressionnisme abstrait mais , tout en reconnaissant l’habileté de la proposition, je suis plutôt d’avis de renoncer à cette terminologie qui, une fois de plus nous fait passer pour des béotiens regardant envieusement les savants athéniens. Les prétentions des amateurs et surtout des marchands de peinture associés à un micro club de critiques ne doivent pas être gobées sans autre formes de procès. Comme d’habitude la vérité viendra d’outre Atlantique et là bas la révision a largement commencé, voir l’expo pionnière de Yale et je parie que Le Monde en personne va commencer à amorcer son virage avec sa maestria habituelle et Télérama suivra...

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